Comment ça? Deux ans d’existence pour mon petit blog et aucun article sur cette indispensable artère de mon coeur, cette voie qui m’entraîne au bout de la nuit, cette chaussée que foulent sans cesse mes pieds fatigués? Que nenni. Je m’en vais de ce pas et immédiatement, réparer cet impardonnable manquement. Pardon, Ô rue de mon existence.
Comprenez bien qu’à la Nouvelle-Orlèans, tous les chemins mènent à Frenchmen. Enfin, surtout les chemins un peu tortueux que mes soirées empruntent. On n’est jamais vraiment sûrs de ne pas finir dans un de ses bars, ou même juste à discuter sur un de ses trottoirs… Faut croire que y a un certain magnétisme nocturne qui m’attire malgré moi dans ce nerf musical aux vapeurs alcoolisées. C’est un peu ma résidence secondaire. Un endroit où je me sens bien et où j’aime passer certains week-ends. Avec ses bons restaurants, ses concerts de qualité et même son petit marché artisanal. Frenchmen, quoi.
Prenons vendredi dernier par exemple. Le hasard comme par hasard. J’étais à une soirée de flatterie sociale, bon chic bon genre, organisée sans enfants, mais avec les parents et les professeurs de ces derniers. Je mangeais du fromage et je buvais du vin, en faisant attention à ne pas dépasser la limite de mon alcoolisation autorisée selon mes critères personnels. Je pensais distiller quelques compliments plus ou moins hypocrites entre deux gorgées pétillantes, et retrouver mon lit en début de soirée, presque aussi fraîche que le blanc dans mon verre.
Vous vous doutez bien que la suite des événements a pris une toute autre tournure. On s’est vite retrouvés entre professeurs français à papoter autour de bouteilles bien choisies, à avoir le rose au joue qui rougit et le sourire aux lèvres qui grandit. On n’était plus du tout fatigués de notre semaine de rentrée et quand ils ont éteint les lumières après une heure à essayer de nous faire quitter les lieux, il a bien fallu se résoudre à trouver un nouveau point de chute. Je vous le donne en mille. FRENCHMEN. Là où toujours on atterrit, en plein dans la cible.
Nous voilà donc troquant vélos et voitures contre taxis, et partant vivre notre aventure nocturne dans l’antichambre de ma vie. Tout a commencé tout à fait normalement. J’ai rencontré un poète avec une machine à écrire. On a discuté quelques minutes, puis je lui ai demandé de m’écrire quelques vers sur la ville, sur ma ville. Vingt minutes plus tard, il me déclamait son art. C’était beau. Je crois que tous les mois, j’irai le voir.
Après, on a dansé sur du Reggae, dans un bar où y avait pas la place de danser. Une fois je m’y suis même mariée, parce que Frenchmen c’est pas la réalité. C’était pour de faux, juste parce que je voulais en cadeau encore une chanson pour danser. Bon, on n’avait pas eu de chanson en plus mais tout le monde avait applaudi. Et on n’a même pas eu besoin de divorcer après.
Pour finir, on a écouté The Business à Maison. Avec un nom comme ça, je me dis que y a pas que moi qui doit me sentir un peu chez moi là-bas. Frenchmen, ça fait cet effet là. C’est vraiment une rue que j’aime profondément, une rue qui est même pas parallèle ou perpendiculaire, une rue entre la glauquitude de Bourbon et l’alternative très alternative de Saint Claude.
En fait, je crois bien que si j’étais une rue, je serais Frenchmen Street.